Théâtre de Chambre

Théâtre de Chambre

Vortex – Palais Mascotte – Exils – Cabale – Ce qui gronde

« Voyons voir… » La redondance du verbe voir dans cette locution courante me parle fort du geste dramaturgique à l’œuvre dans le dispositif du théâtre de chambre. Il y a le geste de s’approcher, de se pencher, de fouiller et d’examiner. L’anatomiste se penche sur le corps (voyons…) puis, ayant déniché ce qu’il cherchait, prend à témoin l’assistance (voyez !)

La leçon d’anatomie du docteur Tulp, peinte par Rembrandt en 1632, manifeste l’indispensable proximité de l’acteur et des spectateurs — lesquels présentent une remarquable diversité des modes d’appropriation de l’expérience en cours : les uns scrutent le corps ; tel autre se concentre sur les paroles de l’anatomiste ; tel troisième fixe la main de l’homme de l’art ; deux ou trois autres regardent plutôt ceux qui les regardent (à commencer par le peintre lui-même…)

La commensalité théâtrale n’implique donc pas une subjugation de l’assistance par l’acteur. En le rapprochant de l’action, il semble au contraire que le dispositif d’énonciation dit « de chambre » contribue à émanciper le spectateur en lui facilitant une forme de « liberté de circulation mentale », de latitude pensive au sein de l’expérience en cours.

C’est à ce partenaire pensif, simultanément absent et présent, concentré et rêveur, embarqué et distant, impliqué et critique, que le théâtre de chambre propose de partager une expérience sensible — comme, en effet, on invite quelqu’un à sa table.

VORTEX

(1994)

Ce drame-puzzle, écrit à la façon d’un rêve obsessionnel et concentrique, met en scène l’enquête d’Albino sur le pressentiment de mort imminente éprouvé alors qu’il somnolait dans son bain. Tandis que Garonne, son épouse, artiste peintre de renom, fait recouvrir par son assistant toutes ses toiles récentes de peinture noire, Albino cherche au contraire à faire la lumière sur la façon de « trou noir » — ou de vortex — qui menace d’engloutir son existence.[1]

 

[1] Premières représentations : Le Cratère, scène nationale d’Alès, 1995, mise en scène Christian Chessa.

PALAIS MASCOTTE

(1986)

Contrairement à ce que pourraient supposer les lecteurs genevois, ce trio dramatique n’évoque pas le fameux cabaret du quartier des Pâquis, ouvert en 1887. Reste que le nom de cet établissement ne pouvait pas laisser indifférent un dramaturge entiché de cabaret…

La pièce débute trente ans après la disparition de la chanteuse Eva Dimanche, assassinée dans sa loge du Palais Mascotte — cabaret dont elle avait jusqu’alors assuré la fortune. Désormais fermé, l’établissement n’abrite plus que le veuf et sa fille, laquelle assure leur survie en se prostituant. Débarque un client singulier, plein aux as et flambeur. L’enquête sur les circonstances de la mort d’Eva recommence, sur fond de guerre civile naissante. L’enquêteur paye, et il en veut pour son argent….

Un huis clos en habits de polar, dans lequel le théâtre, jeu de rôles, se fait technique et protocole d’investigation.[1]

 

[1] Prem. représ. : Théâtre de la Ville, Paris, Mars 1988. Mise en scène Alain Françon.

EXILS

(1983)

Chassé d’Allemagne par l’avènement du nazisme, le poète Carl Sturm émigre à Paris, où il rencontre son éditrice française. Le pluriel du titre souligne la multiplicité des séparations qui frappent l’exilé : séparations non seulement matérielle, géographique, langagière, culturelle… mais également ontologique et symbolique. Banni de la Terre, nu et seul dans le monde, assailli d’idées de ruine, et rendu inapte à toute relation humaine, c’est lui-même que Carl Sturm habite désormais comme une terre étrangère — voire comme un no man’s land.[1]

 

[1] Texte d’abord édité par L’Avant-Scène (n°755, 1984.
) Prem. représ. : Théâtre de la Bastille, Paris 1985. Mise en scène Philippe Delaigue.

CABALE

(1983) [1]

Claire a trente ans lorsqu’elle croise la route de Seamus. Depuis plusieurs années, cet homme de soixante ans, l’un des principaux chefs militaires du mouvement républicain irlandais, condamné par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité, vit en France dans de petits hôtels de banlieue. Il ne sort qu’exceptionnellement de sa chambre, ne lie connaissance avec personne, et tire ses revenus de son organisation, pour le compte de laquelle il supervise un réseau ouest européen d’approvisionnement en armes. La rencontre avec Claire rebat les cartes de ce jeu de clandestinité et de guerre de l’ombre. En quête d’une cause qui lui tienne lieu de raison de vivre, la jeune femme découvre les équivoques, les dilemmes et les zones grises de  l’action directe. [2]

 

[1] Comme Exils et Palais Mascotte (pièces écrites respectivement en 1983 et 1986), le texte de Cabale (1983) est ici publié dans une version revue et corrigée. J’ai cependant veillé, lors de cette révision, quarante ans après leur écriture initiale, à préserver la facture d’origine de ces trois textes — quitte à conserver certaines de leurs fragilités natives..

[2] Premières représentations : Schauspiel Cologne RFA, 1987.

CE QUI GRONDE

(2017)

Ce « polylogue solitaire » met en scène une adolescente isolée dans un pays en guerre. Fuyant les bombardements, Louna trouve refuge dans son ancienne salle de classe, au cœur de l’école abandonnée (salle de classe semblable à celle où la découvrent les lycéens, lors de la représentation. [1]) Avec le théâtre, voilà que le monde, chaotique et indocile — « espace tendu vers la catastrophe », écrivait Szondi — fait irruption dans l’école…

[1] Cette proposition dramatique a en effet été écrite dans le cadre du dispositif Le Théâtre c’est (dans ta) classe, proposé par Les Scènes du Jura – Scène nationale, en partenariat avec le Théâtre Am Stram Gram de Genève et le Centre Dramatique National de Montpellier. Spectacle mis en scène par Nathalie Garraud.

ISBN : 978-2-9584555-3-8
239 p. 15,00 €

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