LE DIT DE L’IMPARFAITE

1995 |

pour voix et accordéon.

 

« À quoi bon te redire, Marco ?
chaque soir te redire ce que j’ai
ressenti quand je la vis, à cette porte

te dire une fois de plus
que soudainement ses yeux
furent dans les miens et que les miens
cessant à l’instant même d’être miens
devinrent soudainement les yeux
de la Terre et du Ciel l’œil du peintre
fixé sur l’éclair de chaos
le fait est comprends-tu que ce regard
(le vois-tu ?)
était comme venu spécialement me voir
et que je le vis moi-même tout spécialement ce soir-là
et que nous fûmes l’un à l’autre de manière spéciale
mêlant avec une impudeur soudaine
une impudeur spéciale nos imperfections comprends-tu ?
les lattes du parquet qui nous séparait
se changèrent en barreaux d’une échelle grimpant
dégringolant spécialement de l’un à l’autre
échelle montante et descendante
elle et moi grimpant dégringolant
dans le regard de l’autre
et cela prit un certain temps
comme tu peux l’imaginer
pour peu que ton imagination Marco
consente à me faire crédit
un tant soit peu crédit
elle était là
bel et bien là
réelle comprends-tu ?
spécialement réelle »

Premières représentations : Théâtre de la Tempête (avec Marc Perrone) – France Culture 95.

Traduction Fernando Gomez Grande – espagnol (castillan). Publiée avec 4 autres « oratorios » aux éditions Teatro del Astillero

Édition : Vite ! et autres dits, L’artisan chaosmique, 2022.