JUBAL

1988 |

pour un musicien parlant

Écrit et réalisé pour et avec Youval Micenmacher (percussionniste).

« Au commencement était l’air et le tof et l’espace brassé par les mains et l’espace devant et l’espace entre moi et les gens qui m’écoutent – Mais Dieu ne l’a pas voulu ainsi – Au commencement Dieu fit le ciel et la terre, nul ne les défera – Nul ne les défera, pas même le son nouveau du zarb le chahut des tam-tams le caquet de la derbouka le ruissellement du shims le râle du bendir le babil des tablas le fracas des tambours, non nul ne les défera – Aussi le monde n’est-il pas la maison du frappeur de peaux – Où s’affaiblit le son du tof s’arrête sa demeure – J’ai donc pris la tente de mon frère Jabal – J’y ai placé mes fûts »

Il y a un texte -un livret- il y a la musique – et d’abord la musique. Les mots jouent ici les troueurs d’inommé, lapsus sonores, monologues intérieurs, pensée déportée, songerie, parfois sortis de machines sonores qui n’ont plus pour objet de fixer la musique (interphones, téléphones, répondeurs, magnétophones de poche, etc…) -l a mécaniser.
Il s’agit là d’un match intime : entre la poésie du coeur et la prose du monde, la pureté et la trivialité, l’indicible et le didactique : un spectacle sonore, un spectacle pensif. Tragédie douce amère du musicien sans cesse ramené à l’informulable, à ce qui le fonde d’exprimer l’informulable en public, à le communiquer sans jamais pouvoir en fixer le sens.

« Boucan des cals au cuir mégi d’un scalp
Asticotant les peaux mon derme se boucane
Prière cutanée d’insérer entre viande et papilles
A ma paume tannée la sifflante du psaume
Jouissant de l’écorchure je cogne à toute corne
Et je franchis muant le mur de son jardin »

 1988, Saônora, Scène Nationale de Mâcon.