DIVERSES BLESSURES
1995 |
Romance noire
opéra de poche pour deux chanteurs, un comédien et un quartet de jazz.
Cette parabole mélancolique et pensive a été composée comme un blues à trois voix, sans présumer de la forme scénique qu’elle pourrait revêtir.
Il y est question d’une photo ratée, d’un amour mortel et de … diverses blessures. Un photographe et une inconnue se trouvent réunis le temps d’une séance de portrait. La photo se cherche, s’ébauche, se précise, se perd… La conversation se fait interview, puis interrogatoire, confession.
Cependant, le sujet de cette petite fable opératique n’est pas tant la photo — qui la cadre — que la contamination qui, pour finir, nous la dérobe. L’anthropophagie artistique et amoureuse ne tourne pas à la farce : le virus, tel jadis le destin, la précipite en tragédie.
Le titre, inspiré d’une gravure médicale du XVe siècle (Figure d’homme présentant diverses sortes de blessures), a engendré le texte d’évidence, comme s’il avait ouvert les portes d’une rêverie ancienne et douloureuse, d’un blues plus intime qu’il n’y parait peut-être, et dont cet ouvrage ne produit qu’un fragment.
Depuis 1991, le Théâtre de la Tempête, dirigé par le metteur en scène Philippe Adrien[3], accueillait les impromptus, concerts, cartes blanches et autres performances de LA GRANDE RITOURNELLE, l’équipée jazzpoétique que Jean-Marc Padovani et moi-même avons conduite durant près de 25 ans… Let’s make an opera !, avons-nous dit. Et Philippe : banco. Mais nous n’avions pas l’argent nécessaire. Qu’à cela ne tienne ! avons-nous dit, faisons-le tout de même. Et Philippe : faisons-le malgré tout.
À le relire aujourd’hui, près de trente ans après sa création, on sent l’ombre de l’épidémie peser sur le théâtre. L’ouvrage a servi de support à diverses rencontres didactiques et politiques, notamment initiées par Sida-solidarité-spectacle[4]. Cette dimension « militante » nous a parfois été reprochée. Avec le recul, je ne la crois toutefois pas antinomique de la poésie, pour peu que l’on consente à éclabousser cette dernière d’un peu de prose du monde. Flashes d’actualité, citations hétéroclites et statistiques s’agrègent à la fable rêveuse, non comme des incongruités scandaleuses, mais comme les pierres apparentes des murs sur lesquels on serait venu nuitamment taguer un poème.
[1] Centre Dramatique National de Montluçon, dirigé à l’époque par Jean-Paul Wenzel et Olivier Perrier.
[2] Nouvelle contenue dans le recueil Les Aventures singulières, Éditions de Minuit, 1982.
[3] 1939-2021.
[4] Réseau d’information et de sensibilisation des métiers du spectacle (1990-1997) fondé et animé par Alain Neddam et Patrick Bossatti.
Musique : Jean-Marc Padovani.
Livret : Enzo Cormann
Mise en scène : Philippe Adrien.
Premières représentations : Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, Paris 1995.
Interprètes : Olivier Angèle, Magali Dieux, EC, avec le quartet : Jean-Claude Jouy (dms), Gérard Pansanel (guit.), Jean-Marc Padovani (st, ss – en alternance avec Bruno Wilhelm), Olivier Sens (db)