DEUX DUOS
Les deux comédies qui composent ce recueil
ont été respectivement écrites en 1998 et 2009.
LE BOUSIER
Ce palimpseste malicieux du Monte-plats d’Harold Pinter conjecture un temps où les vaches auront disparu de la surface de la Terre. Deux flics en blouse blanche font équipe dans la même unité de contrôle, armés de leurs ordinateurs. Il advient que les justiciables qui font l’objet d’une filature informatique paraissent alertées de la chose et adoptent en conséquence un comportement ostensiblement absurde et répétitif. Par quelle sorte de faille fuit ainsi ce monde dystopique et immaculé ?
Et quel rapport avec le coléoptère coprophage de la famille des géotrupidés, qu’on appelle « bousier » ?
MOLESKINE
L’art et l’argent font rarement bon ménage. Le peintre Raven connait bien la saveur du premier, moins l’odeur du deuxième — même s’il en voit la couleur de loin en loin. Le marché de l’art (théâtre inclus !) est couramment régi par un deal réductible à ces termes : tu me donnes ta montre, je te donne l’heure.
Ne dirait-on pas l’argument d’une farce ?
extrait :
à la boite
. — c’est moi — ça ne veut rien dire pour toi / mais moi c’est moi / pas un autre / moi / tu piges ? / moi !
Il prête l’oreille. Reprend à voix plus basse.
tu ne peux pas savoir ce que c’est qu’être moi / tu ne te rends pas compte — ici nous faisons des choses horribles / et nous devons faire ces horribles choses nous expliquent nos chefs / car si nous ne les faisions pas le monde serait plus horrible encore / disent-ils — la semaine dernière j’ai pisté un type qui faisait toutes les pharmacies avec de fausses ordonnances de somnifères — il s’est procuré plus d’un millier de gélules en trois heures — aujourd’hui je suis chargé de le filer de nouveau / et je le filerai jusqu’à ce qu’il ait volé de quoi finir sa vie en prison — les gens ne sont pas raisonnables — hier soir j’ai branché la radio — l’anniversaire de la mort de Mozart / un débat sur la salmonellose / les infos et puis le foot — le gardien d’Aston Villa a poussé dans le dos un attaquant des Spurs de Tottenham — ça ne rate jamais / il a encore fallu qu’ils se battent — les gens sont comme ça
quand j’ai éteint le poste j’ai été chercher sa photo dans le placard du couloir — je l’ai remisée là parce que je ne supportais plus de la croiser à longueur de temps — je la regarde le soir / assis par terre dans le couloir / comme hier soir / le dos contre la porte d’entrée — j’entends les va-et-vient de l’ascenseur / les rires / les bonsoirs / puis le silence — je la regarde de toutes mes forces et je pense «toi / toi / toi / toi et moi / moi / moi » / et ainsi de suite / tantôt elle et tantôt moi — ses yeux fixes me regardent / son sourire me sourit / sa langue est là / juste derrière ses dents — son nez me respire / sa chevelure attend ma main / ses épaules nues laissent deviner le reste — je perds la boule / voilà ce qui se passe — je la flatte / je l’étourdis / je l’emballe / je l’effleure / je lui commande un Bloody Mary — au restaurant je renvoie la bouteille si le vin est bouchonné — je lui sors les blagues à la mode — je lis dans les lignes de sa main — ma voix se fait plus grave / mes phrases plus lentes / mes gestes plus caressants / et — oh bon dieu ! / flic imbécile / qui flique tout ce qui bouge / qui fliquerait son ombre / qui ne sait que fliquer ! — pourquoi a-t-il fallu qu’un jour / alors que j’épluchais des listes de passagers d’une compagnie aérienne / je sois tombé sur son nom / son nom à elle / elle qui m’avait dit n’avoir encore jamais pris l’avion — et pourquoi / oh oui bon dieu pourquoi ? / ai-je ensuite cherché à comprendre ? — toi / toi / toi !
ISBN 9782958455521 — 93 p.— 10,00 € (6,00 € en format Kindle)
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