PERSONNE NE BOUGE
« Il me faut une prison, j’avais raison, pour moi tout seul ; je vais y aller, je vais m’y mettre, j’y suis déjà, je vais m’y chercher, j’y suis quelque part, cela ne sera pas moi, cela ne fait rien ; je dirai que c’est moi, ce sera peut-être moi. »
SAMUEL BECKETT, L’Innommable.
Partition dramatique en 46 moments et 40 scolies, composée en 2014, et publiée en 2017 aux Solitaires Intempestifs.
Performance version multimédia, création 2020-21, Scène Nationale du Mans – Quinconces/Espal.
Avec : Olivier Sens (musique électronique) et Robin Vergnes (mix vidéo) – voir dossier multimédia ci-contre.
Version solo : avec univers sonore enregistré.
Version duo : avec le claviériste Paul Brousseau.
Dans sa cellule de 9m2 du quartier d’isolement, un sexagénaire, condamné à vingt ans de réclusion, reçoit deux fois par semaine la visite du médecin de l’établissement pénitentiaire, une jeune femme qu’il initie aux arcanes de son monde virtuel, hérité de Marlon, icône planétaire et génie tutélaire de l’atoll de Tetiaroa.
L’âme du locuteur prisonnier s’invente un monde, tout un monde, un deve-nir-monde, afin d’échapper à son devenir-prison.
Concomitamment à ce travail d’invention, de fantasme, de monde virtuel, naît un projet d’évasion…
Une vie inventée, une mort fomentée.
« on est des paysages docteur — on est un territoire — on s’habite comme on niche auprès d’un point d’eau — en aurons-nous jamais fini avec l’homme ? — participer de l’univers en expansion — croûton dans la soupe cosmique — quand vous souriez docteur vous montrez les dents — moi je n’ai jamais su comment sourire — avec ou sans dents bouche ouverte ou fermée — nous sommes outillés pour mordre mais nous nous battons avec les pieds et les poings — nous aboyons mais nous ne grognons pas — nos pattes sont fragiles — nous souffrons du froid mais nos femmes sont superbes — vous nous quittez déjà docteur ? »
En 1967, après diverses péripéties administratives, Marlon Brando a acquis l’atoll de Tetiaroa, situé à 50 kms au nord de Tahiti, pour la somme de 270.000 dollars (l’équivalent de 1.800.000 dollars en 2013). L’atoll, composé de 13 ilots, est cerné par une barrière de corail, difficilement franchissable. Brando fit donc aménager une piste sommaire d’atterrissage. Il vivait dans une paillote traditionnelle et fit construire au fil des ans un petit hôtel, composé de bungalows, susceptible d’accueillir amis et visiteurs. Tetiaroa fut dévasté à deux reprises par un ouragan, en 1981 et 1985. Ces destructions, ajoutées aux déboires de son fils Christian, condamné à 10 ans de prison en 1991 pour le meurtre de l’amant de sa sœur, ont conduit Brando à délaisser complètement l’atoll durant les quinze dernières années de son existence.
La partition dramatique de Personne ne bouge se présente comme une méditation interrogative et prospective sur le fait même de la détention — sa dimension existentielle.
Cette méditation « à haute voix » est elle-même interrogée, commentée. Un grand nombre de « scolies » (notations en regard, en rebonds ou en contrepoint des propos ou du monologue intérieur du détenu) ponctuent le texte.
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