BLUFF
2011 | Commande du CDR de Vire.
« Bluff » est une suite de trois drames brefs dont le motif commun est le mensonge.
Coproduction et coréalisation artistique : CDR Vire (Le Préau) – CDR Colmar (Comédie de l’Est)- CDN Angers (NTA)
Mise en scène : Vincent Garanger (pour le CDR de Vire) – Caroline Gonce (pour lke CDN d’Angers) – Guy-Pierre Couleau (pour le CDR de Colmar)
Avec : Odile Cohen, Delphine Théodore, Anthony Poupard
Création : 10 mai 2011 (Comédie de l’Est – Colmar)
« Bluff » est une suite de trois drames brefs dont le motif commun est le mensonge — c’est-à-dire la vérité, puisque le mensonge se définit comme « contraire de la vérité ». S’intéresser au mensonge, revient donc à s’intéresser à la vérité, à la possibilité même de la dire, à la tentation permanente de la déformer, aux façons multiples de la falsifier.
Pour cette petite expérience dramatique, je propose de partir de l’hypothèse suivante : nous mentons tous, et nous mentons tout le temps (et nous nous sentons tous et tout le temps coupables de mentir). Les trois petites paraboles qui en découlent sont autant d’invitations à penser en commun sur la vérité du mensonge, et sur les mensonges de la vérité…
Nous sommes épris de vrai et nous bluffons sans cesse… Décidément, l’existence excelle à nous mettre la tête à l’envers ! Mais cet inconfortable écartèlement fait également notre grandeur (jusques et y compris dans l’accomplissement de nos petitesses quotidiennes) : nous engageons le combat au quotidien avec un réel indocile, insaisissable, imprévisible, hostile… et nous le faisons en conscience, avec la conscience de faire ce que nous faisons, contrairement aux machines et (peut-être) aux animaux. Notre grandeur, tout bluffeurs ou travestisseurs que nous soyions, c’est d’être déchirés. Et cette grandeur même, ce déchirement secret qui creuse nos solitudes, nous occasionne de la souffrance.
Je tiens que l’assemblée théâtrale est une des magnifiques opportunités dont s’est dotée l’humanité pour mutualiser nos souffrances individuelles et les muer en questionnement collectif. Le fait intéressant, ce n’est pas tant que tel ou tel d’entre nous soit un menteur (cela, c’est l’anectote, le fait divers — donc l’exception), mais qu’aucun d’entre nous ne puisse prétendre sérieusement ne jamais mentir (cela, c’est l’expérience commune, partageable). Les êtres humains ont beaucoup plus en commun qu’ils n’ont généralement tendance à le croire, et sont par conséquent infiniment moins seuls qu’ils ne se désespèrent de l’être (y compris dans le mensonge) : voilà ce que le théâtre permet d’éprouver physiquement.
Qu’ai-je donc à proposer ? Rien que de modeste : une variation. Variation fictionnelle sur motif existentiel.
Réintroduire de la mobilité, des turbulences — du bouleversement ! — dans des représentations du monde figées par l’usage.
Mouvementer — mouvementir ? Du mouvement, mais également du jeu (« Donner du jeu à : faciliter le bon fonctionnement d’une pièce en lui donnant plus d’espace pour se mouvoir. »)
Se jouer de Méduse en dévisageant son reflet sur le bouclier de la fiction. La peur est la première gorgone que combat le théâtre. Peur de voir, peur de penser, peur de changer, peur d’avancer, peur de combattre, peur de la différence, peur de l’autre…
Peurs compréhensibles, sinon légitimes, de l’adolescence, qui perdurent enkystées à l’âge adulte. (Adolescent, du latin adolescens, participe présent substantivé de adolescere, « grandir, se développer ».) Pas d’âge limite pour grandir et se développer — ni d’âge réservé au racornissement.
Traductions : espagnol (castillan).
Traduction(s) :
Fernando GOMEZ GRANDE | esp